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UNE POPULATION HETEROGENE
Le terme harki constitue une appellation recouvrant une réalité
complexe et hétérogène : l'ensemble des
musulmans, qu'ils soient armés ou civils, restés fidèles
à la France pendant la guerre d'Algérie.
Alors que les harkis ne sont qu'une partie des supplétifs, qui
ne sont eux-mêmes qu'une partie des
français musulmans, harki est devenu le terme générique
qui englobe des catégories de personnes bien distinctes :
LES SUPPLETIFS
LES OFFICIERS, LES MILITAIRES D'ACTIVE, LES APPELES
Ils représentent 65 000 personnes à la fin de la guerre
d'Algérie.
Soit un total de 225 000 hommes en armes à la veille du cessez-le-feu
du 19 mars 1962.
LES CIVILS, AGENTS DE L'ETAT OU ANCIENS COMBATTANTS
Ce sont donc près de 280 000 personnes qui sont directement menacées
de mort, soit plus d'un million de personnes
si l'on y ajoute leurs familles. Du fait du refus du gouvernement français
de prendre les mesures nécessaires pour les
protéger, 150 000 d'entre elles seront assassinées dans
des conditions abominables, après le 19 mars 1962, date officielle
du cessez-le-feu. Après cette date, 25 000 pieds-noirs ont également
été massacrés ou enlevés, sans avoir davantage
été
ni secourus ni recherchés. Ces deux chiffres sont les chiffres
officiels donnés par André Santini secrétaire d'Etat
aux rapatriés
de 1986 à 1988.
DES RAISONS D'ENGAGEMENT DIVERSES |
Si différentes raisons ont pu inciter ces groupes de populations
- dont tous n'étaient pas hostiles à l'évolution du
statut de
l'Algérie, voire à son indépendance - à
s'engager ou à rester engagés auprès de la France,
l'une est commune à tous : le
rejet des méthodes terroristes employées par le
FLN dans le cadre d'une guerre où la population est un enjeu voire
un
otage, et qui n'hésite pas à recourir aux menaces, mutilations,
exécutions sommaires et exactions diverses envers les civils,
musulmans et européens.
" Le FLN égorge facilement pour se faire obéir. Il
tue pour montrer qu'il peut, malgré l'armée française,
tuer ceux
qui hésitent à lui obéir et que cette dernière
ne peut les protéger ".(3)
Au delà du rejet des méthodes terroristes, ces différentes raisons d'engagement qui souvent se conjuguent entre elles, ce sont :
LA NECESSITE DE SE DEFENDRE
Face au terrorisme, notamment pour les populations de l'intérieur
qui y sont directement confrontées, la nécessité de
se défendre,
de défendre sa famille, son village, suscite le ralliement non
seulement d'individus mais aussi de populations entières.
Comme l'indique le Bachaga Boualam " mes paysans, mes gardes
champêtres, mes bergers de l'Ouarsenis sont devenus
des guerriers parce-que leurs pères, leurs enfants,
leurs femmes égorgés, ils se sont défendus eux-mêmes
contre leurs
assassins... la formation d'une harka n'est qu'une autodéfense
d'une population que l'on veut forcer par le couteau
et le fer à l'engagement politique".(1)
L'ATTACHEMENT A L'ARMEE FRANCAISE
Les officiers, les militaires, les anciens combattants, restés
fidèles à la France, les supplétifs également,
sont les héritiers d'une
longuetradition militaire. Leurs ancêtres, eux-mêmes pour
les plus âgés, se sont battus sur la plupart des champs de
bataille où
la France est présente depuis plus d'un siècle, au sein
de l'armée d'Afrique où le nombre de soldats musulmans dans
les
régiments de tirailleurs, zouaves, spahis, atteint 40
à 50 % des effectifs, dont un tiers d'engagés volontaires.
"Fils d'une
tradition militaire très ancienne, faite de bravoure,
d'abnégation devant le danger, de respect de l'ennemi, ils ont
écrit des pages admirables de l'histoire de nos armes (...)
ils ont acquis des droits sur nous " (4)
Pendant la première guerre mondiale, les soldats musulmans sont
36 000 à tomber au champ d'honneur (5). En 1944, ils
participent avec un courage qui force l'admiration des Alliés
à la campagne d'Italie, au débarquement de Provence et à
la
Libération de la France. Parmi eux, les ancêtres des harkis
:
"La Grande Guerre voit l'Algérie fournir un lourd contingent
de soldats (...) ils versent généreusement leur sang sur
les principaux champs de bataille immortalisés par l'histoire:
Verdun, la Somme, la Champagne, l'Artois. Ils sont
170 000 à traverser la Méditerranée (...)
Ils sont 36 000 à donner leur vie pour que la France retrouve sa
liberté
et la paix.
C'étaient les grands-pères des harkis.
Pendant la seconde guerre mondiale, alors que la France est captive
et muette 230 000 soldats musulmans dont
120 000 à 150 000 algériens luttent entre 1942 et
1944, certains jusqu'au sacrifice suprême.(...) ils inscrivent dans
le livre d'or de l'histoire de France des pages de gloire
qui ont pour nom Belvédère, Monte Cassino, Rome, le Rhin,
Strasbourg, Belfort. Pour la seconde fois au cours de ce siècle,
ces soldats rendent sa dignité à la patrie et lui
restituent sa place dans le monde.
C'étaient les pères des harkis". (6)
LA TRADITION FAMILIALE OU CULTURELLE
Nombre de fonctionnaires, nombre d'élus locaux et nationaux,
qui choisirent de continuer à assurer leurs fonctions malgré
les
menaces et les exécutions, le firent souvent parce-que leurs
familles ou leur clan, avant eux et quelquefois depuis longtemps,
occupaient déjà desfonctions administratives ou électives
au sein de l'Etat français. Leur fidélité s'inscrivait
donc tout
naturellement dans une tradition familiale ancienne.
De même pour les d'officiers ou pour les intellectuels diplômés
des universités françaises, continuer avec la France peut
s'analyser comme le choix de la fidélité à une
culture qu'ils avaient intégrée.
Pour l'un comme pour l'autre groupe, rester auprès de la France
relevait d'une logique de continuité.
LES RAISONS LIEES AUX CIRCONSTANCES
Mais quelle que soit leur hétérogénéité
sociale ou culturelle, quelles que soient les raisons ou l'ancienneté
de leur engagement,
ce qui constitue le point commun de ces musulmans restés engagés
auprès de la France pendant la guerre d'Algérie, c'est leur
histoire : menacés par le FLN, trahis et abandonnés
par la France en toute connaissance de cause, ils furent 150 000 à
disparaître, souvent avec leurs familles, victimes de massacres
perpétrés en masse après le cessez-le-feu du 19 mars
1962.(8)
(1) Bachaga Boualam " Les Harkis au service de la France"
éditions France Empire
(2) Nicolas d'Andoque "Guerre et Paix en Algérie. L'épopée
silencieuse des SAS."
édité par SPL Société
de Production Littéraire 10 rue du Regard 75006 Paris
Guy Vincent "Képi bleu. Une
SAS. Un autre aspect de la guerre d'Algérie."
édité par Jeune Pied-Noir
BP 4 91570 Bièvres
(3) Mohand Hamoumou " Et ils sont devenus Harkis "
éditions Fayard
(4) Jacques Chirac premier ministre (1986)
(5) Communiqué de presse du 15 juillet 2000 : Manifestation
de harkis à Douaumont
Rubrique Presse
(6) Abd El Aziz Méliani "La France honteuse. Le drame des
Harkis"
éditions Perrin 76 rue Bonaparte 75006
Paris / L'Harmattan 16 rue des Ecoles 75005 Paris
(7) Figaro Magazine 29 octobre 1994 René Bail "Les harkis
: ces combattants français seront sacrifiés par la France"
Rubrique Presse
(8) Compte rendu officiel du sous préfet d'Akbou concernant
les massacres dans son arrondissement (mars/décembre 1962)
Rubrique Histoire/Documents